Troyes et l'Aube précurseurs



Usine d’engrais


Dans sa séance du 16 juillet 1847, la Société Académique crée une commission chargée de faire un rapport sur l’usine des Bas-Clos de Troyes, d’examiner l’engrais que confectionne M. Thiéry, ainsi que les moyens employés pour la fabrication de cet engrais, connu sous le nom de « Noir animalisé ». La commission divise son rapport en 3 paragraphes : 1°) Aperçu sur les engrais 2°) Visite à l’usine des Bas-Clos 3°) Expériences faites avec les engrais de M. Thiéry.

Aperçu sur les engrais. C’est avec empressement que la commission se charge de l’examen de cette question : La fabrication des engrais à Troyes. Voici son rapport : « Cette industrie, dont les détails semblent repoussants en apparence, intéresse d’un côté la salubrité publique, et de l’autre l’agriculture. Par son importance sous ce double point de vue, elle doit honorer ceux qui s’en occupent. L’accroissement continuel des populations exigera bientôt que l’on demande au sol des moissons plus abondantes, bientôt il faudra que nous fassions produire à la terre tout ce qu’elle peut nous donner. Il sera donc nécessaire que nous ayons recours à des engrais perfectionnés, pour lui rendre, par des fumures plus fréquentes et plus riches, ce que des récoltes non interrompues par des jachères lui auront enlevé. Comme engrais actuel, il y a « la poudrette », mais il faut blâmer énergiquement le procédé de fabrication de cet engrais : les matières des fosses d’aisance sont répandues sur le sol, les liquides ammoniacaux s’infiltrent dans les terres, tandis que les sels volatils se répandent dans l’air et vont porter au loin l’infection. Des plaintes nombreuses et incessantes se sont élevées contre les fabricants de poudrette. Les conseils de salubrité de tous les pays ont, par des protestations énergiques et permanentes, demandé l’éloignement de ces fabriques nuisibles à la santé publique. Les matières des fosses d’aisances sont d’un emploi dégoûtant, et répandent au loin une odeur insalubre, et communiquent aux plantes maraîchères une saveur notablement désagréable. Le jardinage de Troyes en fait chaque jour l’expérience. L’administration ne devrait plus tolérer aux portes de Troyes la fabrication de la poudrette. D’ignobles foyers d’infection doivent-ils exister dans la commune la plus riche des environs (Saint-Martin) ? Nous ne voulons pas le déplacement des fabriques de poudrettes, car ce serait porter ailleurs les mêmes maux et non pas y remédier. Le nouveau système fait cesser toutes les plaintes. Par ce procédé, la vidange des fosses est plus facile, à peine désagréable pour le voisinage et dans danger pour les ouvriers qui l’opèrent. En appliquant la chimie à la fabrication de la poudrette, on donne à l’agriculture un engrais jusque-là trop rare, et on permet d’établir aux portes des grandes villes une industrie de première utilité, sans porter atteinte à la santé publique. Le système, objet de divers brevets  concédés à M. Thiéry, donne un résultat des plus satisfaisants. On sait que par ce procédé, de la matière fécale a été désinfectée et que portée ensuite, un jour de réunion, au milieu du salon, aucun des savants invités ne put se douter de la nature du produit qui circulait sur une assiette de porcelaine ! M. Thiéry, après avoir fait une poudrette bien plus puissante que l’ancienne, a voulu la perfectionner encore. La chair musculaire doit être cuite, puis séchée et enfumée afin d’être mise à l’abri des insectes, puis pulvérisée et mélangée avec l’autre engrais. C’est ainsi que M. Thiéry est parvenu à fonder un établissement qu’aucune ville en France ne possède encore et qu’il a obtenu l’heureux résultat que nous constatons. A l’avenir, les animaux morts ne seront plus abandonnés dans les champs, en pâture aux oiseaux de proie, sans profit pour l’agriculture et avec tant d’inconvénients pour la salubrité publique ; ils seront utilisés dans le clos d’équarrissage des Bas-Clos, et le nouveau procédé devra être employé avec avantage si quelque épizootie  vient frapper les bestiaux. Le Congrès Central d’Agriculture de Paris a écrit :<< Il y a peu de temps, l’usine des Bas-Clos était un hideux clos d’équarrissage, un dégoûtant charnier et une ignoble voirie, dont les émanations fétides inquiétaient gravement le voisinage. Maintenant la propreté règne dans le nouvel établissement, plus aucune mauvaise odeur ne s’en échappe. M. Thiéry a supprimé la fumée infecte, qui faisait le désespoir des habitants de Saint-André et du Faubourg Croncels >>. L’emploi de l’engrais fait à la Ferme-Ecole de Belley a donné les résultats suivants : froment : 10 ares de blé, fumés à raison de 45.000 kg à l’hectare avec du fumier bien fait, le rendement en grain de 12 décalitres 8 litres, alors que sur la même superficie, fumée avec 12 double-décalitres de noir animalisé a produit 14 doubles-décalitres 2 litres de blé. Orge : au lieu de 14 doubles-décalitres, 15 doubles-décalitres 8 litres de grains. Haricots et pommes de terre, il en a été de même. Pépinière du Vouldy : les plus beaux froments, les melons les plus gros que tous ceux cultivés à Troyes, arbustes et rempotages, résultat prodigieux, le tout avec moitié seulement de l’engrais proposé, un tiers de plus de production des grains. M. Anner André, membre de la Société, qui ne s’est servi du noir animalisé que dans la proportion insuffisante de 5 hectolitres par 42 ares, a constaté que cet engrais lui avait donné en grains un tiers en sus de ce qu’avaient produit, des terres de même qualité et de même exposition, fumées en abondance avec le fumier de ferme :<< J’ai trouvé un immense avantage dans l’emploi du noir animalisé pour la fumure des terres éloignées des habitations ; le transport seul du fumier m’eut coûté autant que l’engrais m’a coûté tant pour l’acquisition à l’usine que pour le transport sur les champs où il a été répandu >>. Des résultats analogues ont été obtenus sur des champs de betteraves, dans le jardinage et des centaines d’utilisateurs attestent la qualité de cet engrais. M. Thiéry mérite tous les encouragements des hommes qui s’intéressent à l’agriculture, et l’établissement des Bas-Clos doit obtenir les suffrages de la Société, sous le double rapport de la salubrité publique et de la qualité des engrais qu’il produit.

En conséquence, la commission propose à la Société : 1°) De féliciter M. Thiéry pour l’utile établissement qu’il a fondé dans notre pays, et de l’encourager à persévérer dans le zèle et l’activité qu’il a montrés pour le perfectionner encore : 2°) De recommander à l’agriculture du département de l’Aube l’emploi des produits de l’établissement des Bas-Clos ; 3) D’adresser une copie du présent rapport à M. le Préfet de l’Aube, en le priant d’appeler la plus sérieuse attention de M. le Maire de Troyes sur l’utilité des procédés désinfectants employés par M. Thiéry, ou de tous autres procédés analogues, et sur l’insalubrité de l’ancien mode de vidange ; 4°) D’accorder à M. Thiéry une médaille d’honneur comme récompense de ses travaux et comme un stimulant pour les perfectionnements qu’il mérite ».

 


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