Aubois très célèbres



Philippe Thomassin


 

Né à Troyes, le 28 janvier 1562, Philippe Thomassin fut un des plus grands graveurs de la fin du XVI° siècle et du début du XVII°. Son burin fut recherché des peintres anxieux de se faire connaître. Ses estampes furent l’objet d’un vaste trafic : emportées de Rome par les pèlerins ou les touristes, elles se répandirent partout en Europe, où on les retrouve encore dans les collections publiques et privées.

 

Le 11 juin 1535, Jean Thomassin (1515-1582), habitant la paroisse Saint-Jacques, prend pour femme Nicole Aubry, 19 ans, de la paroisse Saint-Jean, et s’établit dans une maison voisine de l’hôtel du Dauphin. Jean était ceinturier et eut 14 enfants.

 

Son fils Philippe est envoyé à la maîtrise de l’église Saint-Jean où il reçut une bonne éducation primaire. A 15 ans, son père le place chez un orfèvre, où il s’adonne à graver la boucle de ceinture et de ceinturon, voire de chaussure. Sa mère décède en 1574 et son père en 1582. Fin mars, il se décide à quitter Troyes et arrive en Juin à Rome, où il s’occupe de ciselure de boucles d’or et d’argent pour le costume civil comme pour la toilette féminine. Il recourut alors à la gravure sur cuivre. Il produisit sa première œuvre, un diptyque représentant 2 scènes de la « Vie de Saint Bernard de Clairvaux » : à gauche Marie qui allaite le saint, à droite Jésus qui se détache de la croix pour aller dans les bras de Bernard. Il accepte ensuite la commande d’un « Portrait du pape Sixte V ». Puis il burina un Saint Jérôme, une vie de Saint Benoît en 52 estampes en 6 mois, en 1586. On l’appela dès lors, « Filippo Francese », Philippe le Français, et il se mit à signer « Philippus Gallus ».

 

Il retrouva son ami François de Luxembourg, duc de Piney, envoyé en ambassade d’obédience à Rome. En 1587, il est chargé de graver l’illustration des nouveaux  « Statuts de l’Ordre des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem », ouvrage encore consulté, dont un français avait été élu grand-maître, véritable souverain, avec flottes sur les mers, capitale à Malte, trésor considérable à la Valette : 52 portraits de grands-maîtres, 19 scènes représentant les pieux devoirs des chevaliers, 2 cartes, en tout 58 planches, un travail de plusieurs mois. On lui fit graver un « Jésus aux limbes ».

 

En 1588, il épouse Barbara Ungé. Il grave ensuite une « Sainte marie Egyptienne », une très belle « Annonciation », un « Saint Michel », un « Saint Antoine de Padoue, une « Visitation », un « Saint Etienne lapidé", un « Chemin de Damas ». En 1589, il livre une « Sainte Marie Majeure », un groupe des « Quatre Saints » de Passaro, dédié au futur pape Innocent IX. On trouve encore la « Fille de la Synagogue », « Sainte Catherine de Sienne », les 2 capucins « Félix et Gualberti », l’« Adoration des mages », Sainte Marie Egyptienne », l’« Annonciation ».

 

Philippe s’associa avec Turpin. Il passa la fin de 1589 à graver les 21 planches d’une « Vie de la Sainte Vierge », puis une « Fuite en Egypte, un « Christ au tombeau ». Il offrit deux fort belles « Annonciation » et l’« Apothéose de Marie » au cardinal grand Inquisiteur Jules-Antoine Santorio, et à l’évêque de Sidon un « Ecce Homo », une « Mater dolorosa » et les « Noces de Cana ». En 1592, une « Sainte Marie du Peuple », composée de 12 petits sujets, un « Saint Sébastien » et un « Baptême de Jésus ». En 1593, la « Passion », en 1595 il représente Henri IV calme sur son cheval qui se cabre « Etiamsi fractus illabatur orbis » signé « Philippus Thomassinus Trecensis ».

 

         En 1594, la clientèle arrive nombreuse au magasin des 2 français, à en juger par le chiffre des estampes que va tracer le burin de Philippe. En 1596, on peut citer une « Flagellation », une « Vierge » distinguée par une rose que l’enfant Jésus offre à sa mère, une « Sainte Anne », en 1597 « Jésus dormant », et une considérable « Histoire de sainte Catherine de Sienne » en 11 planches, souvent reproduite en Italie et en Belgique. Il y a aussi « Jésus travaillant » dans l’atelier de saint Joseph, le « Chemin de Damas ».

 

En 1598, les Augustins tenant leur chapitre général à Rome, Philippe fut chargé de graver une estampe où figureraient les 28 branches de l’ordre. En 1599, une « Adoration des rois », un « Saint Sébastien », un  « Triomphe des Beaux Arts », une « Suzanne », une « Judith », une « Madeleine », une « Crucifixion », une collection de 100 portraits de « Capitaines illustres », qui semble être la pièce la plus importante de l’œuvre de Thomassin.

 

Le 2 avril 1600, jour de Pâques, la foule accourut à Rome pour le jubilé (on attendait 3 millions de visiteurs). Le succès dépassa toutes les espérances, baïocques, jules, testons, écus affluèrent au magasin des associés. En 1602,  Philippe étonne Rome avec des estampes de vastes dimensions : le « Triomphe de l’Eglise » (1 mètre sur 1,50 mètre, en 8 feuilles), en 1604 : 8 feuilles des « Œuvres de la Miséricorde », le « Jugement dernier », les « Signes de la fin du monde », l’ « Adoration des Rois », la « Chute de Lucifer » (1,63 x 1,16 m.).

 

         En juin 1614, un compatriote, le marquis de Traînel, de la famille des Ursins, dont la demeure élégante à Troyes était voisine de la maison des Thomassin, prend possession de l’ambassade de France à Rome. C’était le cas pour notre artiste de montrer au diplomate la déférence dont il avait fait preuve envers François de Luxembourg-Piney. Il édita en 1618, un recueil de 50 « statues antiques ». Durant les 3 années qu’il lui reste à vivre, il éditera en 1619, deux « Sainte Catherine », une « Martyre de Saint Jean »,  en 1620, une « Ascension », une « Vierge », le « Jugement dernier » de Michel-Ange en 10 feuilles, en 1621, « Jésus et les 12 apôtres ». La dernière oeuvre connue de l’artiste est un « Saint Isidore », édité pour la canonisation de ce patron de Madrid, le 10 mars 1622.

 

         Le curé de la petite église Saint-Jean in Ayno écrit sur son registre la mention suivante : « Année 1622, le 12 mai, Philippe Thomassin, français, mourut à l’âge de 60 ans, réconforté par moi, curé de tous les sacrements. Il reçut la sépulture dans notre église paroissiale ».

 

Alors que Thomassin n’avait que 60 ans  et son « Saint Isidore » du mois de mars le montrait encore plein de vigueur et d’entrain, il avait demandé à être enterré à Saint-Louis-des-Français.

 

Thomassin n’ayant pas eu d’enfants, sa veuve héritait de son patrimoine. Elle lui survécut de 20 à 25 ans.

 

La famille troyenne de Philippe avait été déshéritée des biens du défunt, mais elle ne pouvait être privée de l’héritage moral : l’exemple du graveur laborieux et apparemment heureux ne fut pas perdu. Le jeune frère, Bernard, orfèvre de bonne réputation, ne cessait de citer aux enfants et aux petits enfants l’oncle de Rome. Un de ces petits fils vint s’établir à Paris, graveur en cachets, et plut à Colbert qui l’employa à graver des fers pour la reliure de ses livres. Colbert s’intéressa aux enfants et il en  envoya un, qui se nommait Simon (1648-1732), comme pensionnaire du roi à Rome, pour y étudier la gravure sur cuivre.

 

Dans sa « Vie des Peintres », de 1641, Jean Baglione, président de l’Académie romaine de Saint-Luc, a consacré un bon et long chapitre au troyen.

 

L’abbé de Marolles, dans son livre des « Peintres et Graveurs », consacre le quatrain suivant à notre graveur :

 

« Philippe Thomassin nous délaissa pour Rome,

 

« Il aima ce pays, sans oublier le sien.

 

« La main lui pèse un peu, mais il travaillait bien,

 

« Et Troyes, où il est né, le nomme et le renomme ». 

 


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