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Le Vouldy


Les Troyens connaissent bien la Chaussée du Vouldy, très longue, puisqu’elle va des Charmilles à la Moline. Mais, d’où vient ce nom ?

         Il est question du Vouldy pour la première fois, en 1629. C’était le 24 janvier. Louis XIII venait d’arriver à Troyes le 23 (voir visites importantes). « Le sieur du Vouldy, naguère son médecin ordinaire, lui fit la révérence, auquel Sa Majesté dit qu’elle avait appris qu’il avait proche la ville, un jardin avec des réservoirs où il y avait de beaux poissons ». A quoi, ledit du Vouldy fit réponse « qu’il le conservait depuis plus de 6 ans pour le contentement de sa-dite Majesté ». Sur quoi Sa Majesté lui dit qu’elle « y voulait aller pêcher après son dîner ». Et aussitôt, le sieur du Vouldy donna ordre de faire casser la glace de ses réservoirs et préparer « toutes choses nécessaires pour lui donner le contentement de la pêche ». Le roi était un amateur de pêche et de chasse. Malgré le froid, il ne manqua pas le rendez-vous. Après dîner, Sa Majesté « s’achemina au jardin dudit sieur du Vouldy (assis au lieu du Pré l’Evêque), auquel lieu elle passa l’après dînée, tant à jouer au billard qu’à venir pêcher de grandes truites, carpes et brochets, qui furent mis en un petit réservoir et présentés à Sa Majesté le vendredi suivant »  (voir le pont de la Pielle). Les charmes de ce jardin avaient été si grands, que le roi y revint les années suivantes, pendant les séjours qu’il fit à Troyes. C’est au Vouldy qu’il a entendu les enfants de chœur de la collégiale Saint-Etienne exécuter un motet, en jouant de la viole et de la basse de viole.

         Qui était ce sieur du Vouldy, qui jouissait de l’honneur alors si envié de recevoir et d’amuser le roi ? Il portait le prénom de Guichard, et avait été  médecin du roi par quartier. Plus tard, il est qualifié de « conseiller du roi en ses conseils d’Etat et privé, de maître d’hôtel ordinaire de Sa Majesté, enfin, de secrétaire de ses finances, maison et couronne de France ». Il était marié avec la fille de Claude Angenoust, élu à Troyes. En 1622, il achète à son beau-père, un « accin (enclos, jardin), sur lequel il y a maison, grange, étable, contenant 5 arpents (environ 200 ares), assis au Pré l’Evêque, proche la ville de Troyes ». Cet enclos, il le transforma, il l’embellit, il y construisit une maison de plaisance et il se plut à y faire tracer un beau jardin, dont les pièces d’eau bordées d’arbres « avaient pu mériter la visite d’un roi ». Ayant créé cette propriété, il était normal qu’elle ait pris son nom.

La maison construite par Guichard du Vouldy était importante : un corps de logis central, à sept ouvertures, au rez-de-chaussée et au premier étage, accompagné à chaque extrémité de pavillons carrés, à trois étages. Ce corps de logis donnait d’un côté sur une cour fermée de fossés et de l’autre sur le jardin. La construction, avec ses toits élevés, avait l’aspect général des châteaux de cette époque. Elle était terminée en 1626, car à cette date, M. du Vouldy y faisait dire la messe et même prêcher dans une chambre haute. Le Chapitre de Troyes s’en émut, parce qu’il n’avait pas autorisé l’établissement d’un autel dans sa maison. L’ancien médecin du roi dut venir s’en expliquer en personne devant les chanoines. « Il dit avoir commencé de faire célébrer la messe en un oratoire capable de tenir une douzaine de personnes en une chambre haute de la maison de son jardin au Pré l’Evêque », après en avoir obtenu la permission d’un grand vicaire. Il sollicita, en même temps, l’autorisation du Chapitre qui la lui accorda par délibérations capitulaires des 26 août, 4 et 9 septembre 1626.

Guichard du Vouldy parait n’avoir rien épargné pour décorer sa maison. En 1633, un peintre allemand, Stosgoph, y travaillait aux poutres et au plafond décoré d’arabesques et de dessins coloriés qui sont conservés au Musée de Troyes. Les jardins qui dépendaient de cette maison consistaient en un vaste parterre, dessiné régulièrement, avec des allées d’arbres et des bosquets de chaque côté, s’étendait jusqu’à un petit cours d’eau parallèle à la Seine, ses réservoirs étant dans la direction du midi. Le sieur du Vouldy s’était plu, comme tous les propriétaires, à arrondir son domaine. Il acquit un grand nombre de parcelles de terre, " d’aunaies " et de vignes. En 1639, il devint possesseur de la totalité de la ferme du Hayer, dont il avait acheté, en 1631, la plus grande partie. C’était désormais une belle propriété, qu’il avait créée, et où il se plaisait « à passer le temps dont son service à la Cour lui permettait de disposer, avec quelques gens distingués dans les lettres et dans les arts. Il passa dans sa maison du Vouldy les dernières années de sa vie. En 1663, les députés des cantons Suisses vinrent à Paris, pour renouveler un traité avec la France. Ils furent reçus avec les plus grands honneurs par la Ville de Troyes, et allèrent visiter M. du Vouldy, emmenés par M. de Gaumont, gentilhomme ordinaire du roi, chargé de faire les honneurs du voyage aux députés : « Nous vîmes là, un très grand jardin avec des allées où l’on pouvait passer en voiture, et des étangs avec des carpes, qui à ce qu’on disait, avaient plus de 50 ans, en frappant du pied, elle accouraient manger le pain  qu’on leur jetait. Il s’y trouve 12 " aunaies " où l’on peut prendre des lièvres et d’autres gibiers. Le tout est entouré d’eau. Il y a aussi un vignoble qui rapporte en certaines années jusqu’à 100 muids (1 muid = 280 l) de vin. Il s’y trouve une jolie maison de plaisance, un jardin avec des orangers, des citronniers et des fleurs. En somme, je ne peux pas assez décrire tout cela, nous n’avons pu nous arrêter davantage. Chacun de nous a bu 2 verres d’excellent vin clairet, meilleur que celui que nous avons eu jusqu’à présent. En outre, on nous a servi un morceau de fromage ». M. du Vouldy hébergea et reçut aussi des artistes : le Maître de chœur Etienne Bergerat, le peintre Sébastuen Stoskopff en 1633…

         Guichard de Vouldy (il était le fils d’un apothicaire), vieux et malade, mourut le 28 février 1664. Son coeur fut déposé dans l’église des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, qui avait été construite en 1632, et dans une chapelle de cette église, que le sieur du Vouldy avait fondé « pour être à perpétuité à sa famille ».

         Le fils de Guichard, messire, François du Vouldy, devint gentilhomme du roi, chevalier de l’ordre de Saint-Michel et baron. Dès 1657,  il est qualifié de gentilhomme ordinaire du roi. Cette année-là, il avait acquis la terre de Montsuzain de la veuve de Jean du Vouldy, seigneur de Passy et de Montsuzain. Il devint également seigneur des terres de Voué, de Saint-Martin et de Saint-Remy. C’était l’un des personnages les plus considérables de la ville de Troyes, où il séjournait quand il n’était pas de service à la Cour, et ce fut dans son hôtel de la rue de la Monnaie que Louis XIV descendit le 20 février 1668, en revenant de Franche-Comté. L’année suivante, le roi lui conféra le titre de baron : « Les bons et fidèles services, dit le roi, que notre aimé et féal François du Vouldy, l’un de nos gentilshommes ordinaires, nous a rendus, nous auraient obligé de l’associer dans notre ordre de Saint-Michel, à présent réduit  au nombre de 100, et comme depuis il a continué de nous servir, tant près de notre personne qu’en divers emplois qu’il a eus dans nos armées et pays étrangers, où il a été envoyé à plusieurs fois pour affaires importantes à notre service, nous voulons lui donner des marques de la satisfaction que nous en avons et l’estime que nous faisons de sa personne…».  En conséquence, le roi unissait les seigneuries que possédait son gentilhomme ordinaire à la baronnie du Vouldy, établissait le siège de cette baronnie à Montsuzain, et permettait au nouveau baron d’y faire construire « un château fossoyé, avec pont-levis, créneaux et mâchicoulis, pour la décoration et sûreté de la dite maison ». La seigneurie de Montsuzain prit le nom du Vouldy, qui appartenait légalement au château de Montsuzain, et non à la propriété du Pré-l’Evêque, créée par Guichard. Le baron continua cependant de faire de celle-ci sa résidence habituelle, que l’on désigna sous le nom du Vouldy, comme l’indique le plan de Troyes, de 1697. Affilié par son mariage à la vieille famille troyenne des Largentier, riches, considérés, François était content de son sort, et entouré de nombreux domestiques. Le baron, en épousant Anne Largentier, s’était allié aux barons de Chapelaines, qui furent baillis de Troyes pendant tout le XVII° siècle. Ses terres et ses fiefs étaient nombreux, et il était parmi le petit nombre de nobles de Troyes, qui étaient autorisés à porter un titre.

François du Vouldy mourut à Paris en 1679. Sa veuve, Anne Largentier conserva la maison du Pré-l’Evêque. En 1699, elle y logeait un certain Simon Michel, ancien Officier, qui est qualifié de seigneur de la Pépinière, et s’était retiré au Vouldy. Il en sortait parfois à cheval, l’épée au côté. M. de la Pépinière, qui était de petite noblesse, laissa pour héritiers François et Nicolas Duhamel, dont l’un était officier de la fourrière du roi à Saint-Calais, et l’autre, garde au grenier à sel de Fays. Après la mort d’Anne Largentier, la maison du Vouldy fut délaissée par son fils. Jean-François, baron du Vouldy, gentilhomme du roi, comme son père, hérita de la maison qu’avait élevée son aïeul, le médecin du roi, mais il ne tarda pas à l’abandonner. L’enclos fut loué à un jardinier et à un blanchisseur, et, en 1708, M. du Vouldy obtint l’autorisation d’y construire un moulin à blanchir. Le baron, qui demeurait à Troyes dans la rue de la Monnaie, avait des dettes. Il fut obligé, pour en acquérir une partie, de vendre, le 27 avril 1714, sa maison et sa terre du Vouldy, aux révérends pères de l’Oratoire du Saint-Esprit de Troyes, avec la seigneurie de Berre. Cette propriété de plaisance était alors une propriété de produit. En 1710-1711, avaient été abattu la moitié du corps de logis principal. Le domaine du Vouldy resta partagé entre un blanchisseur et un jardinier. Dans les différents baux qu’ils signèrent, les Pères de l’Oratoire eurent soin de stipuler la réserve de la pêche des viviers, qui alimentaient leur cuisine, les jours d’abstinence et de jeûne. La Révolution prescrivit la vente des biens du clergé. Le pré à blanchir entouré de murs, fut adjugé le 26 frimaires an III, au prix de 50.100 livres. La partie occupée par le jardinier avait été vendue 30.900 livres, le 4 ventôse an II.

         Depuis cette époque, le Vouldy, converti en pépinière, était resté un but agréable pour les promeneurs de la    ville. Au XVIII° siècle, une vaste filature de coton s’éleva dans l’enclos de cette propriété historique, où Louis XIII avait goûté les plaisirs de la pêche et de la musique.   

 


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