La Politique



Un mandement, une lettre en 1803


Chaire pour les prônes
Chaire pour les prônes

Vous allez trouver ci-dessous une lettre très instructive, écrite par l’archevêque-évêque de Troyes Louis-Apollinaire de la Tour du Pin-Montauban (voir ce chapitre), le 19 thermidor an XI (7 août 1803), au conseiller d’Etat Jean-Etienne Portalis, chargé des affaires relatives aux cultes, l’avant-veille du jour où il signa le mandement (ordonnance que fait publier un évêque dans son diocèse) qui traduisait les instructions gouvernementales impératives qu’il avait reçues de lui, par l’intermédiaire du préfet, presque au dernier moment.

 

                       Quel était ce mandement ?

 

                       Le 21 thermidor dudit an XI (mardi 9 août 1803), Mgr Louis-Apollinaire de la Tour du Pin-Montauban, archevêque-évêque de Troyes, faisait porter à l’imprimerie André, un travail à exécuter d’urgence. C’était le texte d’un Mandement qui devait être lu au prône (instruction chrétienne que le curé fait tous les dimanches en chaire, à la messe paroissiale) dans les églises du diocèse, moins d’une semaine plus tard, le 27 thermidor (lundi 15 août), jour de la fête de l’Assomption.

 

                       Cette fête correspondait, en 1803, au second anniversaire de la signature par le pape Pie VII, du pacte conclu entre le Saint-Siège et la République Française, désigné sous le nom de Concordat, et au 34ème anniversaire de la naissance du général Napoléon Bonaparte, 1er Consul de la République, nommé à vie depuis 1 an à la suite d’un plébiscite.

 

                      Le mandement que le préfet et son secrétaire s’étaient trouvés dans l’obligation de composer en hâte était le suivant : « … Nous ne pouvons remarquer sans attendrissement que c’est au jour de sa glorieuse Assomption que la sanction du Concordat... a préparé le remède efficace qui devait guérir les plaies de notre Eglise, apaiser ses troubles et éteindre le schisme qui la déchirait.

 

                       Ce même jour, quelques années auparavant, avait donné naissance à  celui que nous pouvons bien appeler, l’homme de la droite du Très-Haut… puisque en si peu de temps, le ciel a opéré par lui tant de prodiges… dont le moindre n’est pas d’avoir fait sortir l’ordre du sein d’une déplorable confusion et rapporté du tombeau la religion.

 

                       Ce même jour encore a vu confier pour la vie, à des mains si habiles, un pouvoir devenu si nécessaire au repos des hommes.

 

                       Mais à côté de ce concours de circonstances heureuses, ce n’est pas non plus sans une grande consolation que nous voyons le Gouvernement désirer que les évêques consacrent un si beau jour à une pieuse et juste reconnaissance, qu’ils perpétuent le souvenir de tant de bienfaits par une institution solennelle… ».  

 

                       En conséquence, suite à ces instructions, le prélat ordonnait que dans toutes les églises du diocèse, chaque année, aux oraisons accoutumées des messes de la fête de l’Assomption, on ajoute désormais, en actions de grâces du rétablissement de la religion en France, toute une série de prières spéciales.

 

                       Les instructions avaient été rédigées et imprimées si tardivement, qu’il ne devait pas être possible qu’on les reçut pour le 15 août, dans nombre de paroisses rurales du diocèse de Troyes.

 

                       Le contraste avec la pièce qui suit est assez frappant et la lettre qu’écrit l’archevêque-évêque de Troyes est instructive plus que le mandement, car écrit sur le vif, et nous apprenant la pénible vie des Troyens à cette époque :

 

                       « A Monsieur Jean-Etienne Portalis, conseiller d’Etat. Troyes dimanche 19 thermidor an XI.

 

                       Monsieur, Vos intentions seront exécutées relativement au jour de l’Assomption aussi bien que le permettra le court intervalle de temps qui se trouve entre l’arrivée de votre lettre et le 15 août.

 

                       Je vous avoue, Monsieur, que j’éprouve quelque embarras et une sorte de honte à demander des discours, des chants et un surcroît de peines à des gens qui meurent de faim, et qui ne sont ni logés, ni vêtus : tels sont nos desservants et vicaires en grande partie.

 

                       Ceux qui n’ont pas de ressources personnelles sont bien malheureux. Les campagnes ne leur donnent rien, soit par misère, soit par avarice, soit parce qu’ils croyaient que le Gouvernement leur a fait ou leur fera un sort.

 

                       Le découragement augmente tous les jours, et il est plus aisé d’envoyer au combat des soldats affamés, qui espèrent se rassasier après la victoire, que d’exiger pendant un long espace de temps des fatigues et des sueurs de prêtres âgés et infirmes pour la plupart, en ne leur promettant aucun secours dans leur indigence.

 

                       Vous auriez désiré de la musique, Monsieur. Hélas ! Nous n’avons pas même d’orgue. Celui que le département a donné à la cathédrale est par terre, faute d’argent pour le faire monter (c’est l’orgue de Clairvaux mis à la Cathédrale en l’an X). Les fabriques sont sans ressources. On n’a pas des musiciens sans les payer.

 

                       Peut-être M. Le Préfet trouvera-t-il un moyen d’y suppléer. Je me concerterai avec lui à son retour d’une petite absence.

 

                       Agréez, Monsieur, l’assurance de mon respect.

 

                       Signé : Louis-Apollinaire de la Tour du Pin-Montauban, Archevêque-Evêque de Troyes ».

 


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