Ancien quartier du Palais des Comtes de Champagne

Si vous aviez vécu à cette époque, voici comment vous auriez trouvé ce quartier.

 

Passé le pont de la Salle (le plus fréquenté, faisant communiquer l’Hôtel de Ville avec la Cathédrale, les rois de France y faisant leur entrée solennelle à Troyes), parvenu de l’autre côté du ru Cordé (voir ce chapitre), le promeneur longeait la place Saint-Etienne, puis s’engageait dans la rue de la Cave percée.

 

A sa droite s’élevait la masse imposante du Palais des Comtes de Champagne, de ses 2 tours et de l’escalier de pierre monumental qui donnait accès à l’ancienne grande salle de parade. Construit au XII° siècle, le Palais devint domaine royal en 1284 et fut transformé au XVI° siècle en Palais de Justice. Il abritait le Bailliage et le Présidial. Au-delà de ses murs, était un jardin prolongé par un enclos, le pré aux duels, dernier souvenir des combats judiciaires qui terminaient au moyen-âge, les querelles des seigneurs.

 

         Un peu plus loin se dressait l’église Saint-Etienne dominée par ses 2 tours carrées. Construite en 1157 par Henri le Libéral, d’abord chapelle du Palais, elle devint plus tard église royale collégiale. Tout le pourtour du chœur, d’une tour à l’autre, s’avançait comme un éperon dans le Préau du Cloître Saint-Etienne, vaste terrain planté d’arbres.

 

         Parvenu à la hauteur de la rue des Trois-Petits-Ecus (rue Boucherat), vous revenez vers Saint-Urbain. Vous longez plusieurs maisons de bois, dont l’une possède une cave remarquable, voûtée en ogive, composée de plusieurs galeries parallèles dans lesquelles s’ouvraient un très grand nombre de caveaux, ce qui valut à la rue, le nom de « Cave percée ».

 

Vous atteignez ensuite la terrasse de l’Hôtel-Dieu, dans laquelle s’encastraient les ruines de la curieuse église Saint-Barthélemy, antique chapelle de l’Hôpital.

 

Poursuivant votre chemin, vous repassez le pont de la Salle, en longeant les maisons de la rue du Cimetière Notre-Dame.

 

Il y a très peu d’images de cet ancien quartier. Elles sont conservées au Musée de Vauluisant.

 

Tous ces vieux édifices avaient longtemps résisté à l’épreuve des siècles. Ils s’écroulèrent bien vite sous la pioche des démolisseurs.

 

 En 1777, l’abbaye Notre-Dame-aux-Nonnains menaçait de tomber en ruines. Il fallut démolir les bâtiments vétustes et construire un monastère neuf. L’abbesse Françoise Lucie de Montmorin put obtenir du roi les subsides nécessaires, la première pierre étant posée officiellement le 30 avril 1778. En 1782 les travaux sont terminés. Le nouveau monastère s’élevait à 35 mètres environ du sud de l’église de Notre-Dame-aux-Nonnains, exactement sur l’emplacement de la Préfecture actuelle. Puis la Révolution survint. Les biens du clergé furent confisqués au profit de la Nation. L’église Saint-Etienne fut mise en vente et adjugée le 17 décembre 1791 à Vincent Godard, marchand poêlier, pour 31.000 livres. Elle fut démolie peu de temps après.

 

En 1792, les religieuses bénédictines durent abandonner le couvent Notre-Dame qui servit d’abord de dépôt de fourrage et de bois, puis fut transformé provisoirement en Musée et en Bibliothèque.

 

L’administration du nouveau département de l’Aube, logé à l’étroit depuis 1791 à l’hôtel de Marisy, quitta cette demeure provisoire pour s’installer dans l’abbaye le 22 octobre 1793.

 

Trois ans plus tard, la ville acheta successivement le 22 Floréal an IV (11 mai 1796) les églises Notre-Dame et Saint-Jacques, et le 11 Thermidor an IV (29 juillet 1796) le Palais des Comtes qui lui fut adjugé pour 15.300 francs. Les 3 édifices furent démolis au cours des années suivantes et les matériaux employés à la construction, sur l’emplacement des 2 églises, d’une halle aux grains de 36 mètres sur 18.

 

Les arbres du Préau de Saint-Etienne, à l’exception de ceux qui bordaient la rue de la Cave percée, furent arrachés et la grande place désormais dénudée, réduite en une boueuse fondrière, fut affectée au marché des chevaux et bestiaux.

 

La halle aux grains, à peine sortie de terre, fut démolie à son tour de 1804 à 1916, et ses matériaux  furent employés en partie à la reconstruction de la porte et des bâtiments de l’Hôtel de Ville bordant la rue des Bûchettes (rue Claude Huez).

 

C’est seulement en 1836 que l’on songea à faire disparaître les masures de bois, derniers vestiges des anciens bâtiments abbatiaux.

 

A la même époque fut décidée la construction d’une nouvelle halle aux grains, sur les plans de l’architecte troyen Pierre Gauthier, de 65 m. sur 35, perpendiculaire à l’Hôtel de la Préfecture. La première pierre fut posée le 30 juillet 1837 (mais ne fut ouverte aux négociants que le 23 septembre 1841).

 

La même année, le terrain était à nouveau bouleversé. Il s’agissait d’établir à Troyes un port fluvial relié à la Seine par un canal, avec un bassin de 372 mètres sur 36. Le nouveau canal de la Haute-Seine, muni de ses écluses, de ses ponts tournants et de son bassin, fut ouvert à la navigation le 25 octobre 1846. Ces travaux importants avaient entraîné la disparition du ru Cordé, l’établissement des quais, la transformation en jardin du Préau de Saint-Etienne, la rectification, le long de la Cave Percée, du mur de l’Hôtel-Dieu.

 

C’est dans ce beau quartier neuf, partie dans la halle aux grains, partie des hangars établis sur la place du Préau, que se tinrent les expositions de 1860 et 1883. Leur grand succès témoigne de la prospérité de l’industrie et du commerce troyen de cette époque.

 

Le 7 mai 1892, un grave incendie éclata dans les combles de la Préfecture et causa des dégâts importants. L’administration dut évacuer l’Hôtel et se réfugier momentanément dans la maison située 24 boulevard Victor Hugo. Le Conseil général restaura complètement l’édifice. La place fut nivelée et divisée en 2 terre-pleins séparés par une chaussée. La Préfecture put se réinstaller en juin 1896.

 

En 1895 la halle aux grains avait été vendue et démolie, remplacée par l’apparition d’un « petit marché », modeste bâtiment de fer et de briques, qui fut transformé en caserne de pompiers en 1927, jusqu’en 1975 avec la construction de la caserne actuelle.

 

En 1908, le square fut dessiné, planté, fleuri et orné d’un bronze de Suchetet « Le Rapt » (voir ce chapitre).